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Le Mag qui booste votre recherche d’emploi

TRIBUNE : Le jeunisme expulse les seniors du marché du travail américain

Jack Kelly - WeCruitr - 22/07/2021

Pour Jack Kelly, « Si vous êtes dans la tranche d’âge 45 ans et plus et que vous décidez de rechercher un job, vous allez rapidement constater qu’il n’y a pas beaucoup de jobs pour vous. »

Jack Kelly est consultant en recrutement et président-fondateur d’un des plus anciens et des plus grands cabinets américain de recrutement. A titre personnel, il a placé des milliers de professionnels dans des entreprises de premier plan au cours des 20 dernières années. Passionné par la défense des demandeurs d’emploi, il a fondé une start-up, WeCruitr, dont la mission est de rendre la recherche d’emploi plus humaine et plus facile. A ce titre, il partage des astuces pour réussir un entretien et des secrets pour booster une carrière de manière transparente, honnête et humoristique. Ses conseils en matière de gestion de carrière couvrent, notamment, des points clés comme, par exemple, décider si vous devez chercher une nouvelle opportunité ou analyser si vous partez pour de mauvaises raisons. Ils couvrent également les techniques d’entretien, la négociation salariale et l’acceptation d’une offre. Ils permettent d’avoir une compréhension concrète du processus d’embauche du point de vue d’un recruteur expérimenté.

Jack Kelly a accepté que sa Tribune en anglais parue dans Forbes, soit publiée en Français dans le Mag Coup de Pouce et nous l’en remercions. https://www.forbes.com/sites/jackkelly/2020/10/02/ageism-is-forcing-older-workers-out-of-the-job-market/?sh=701469c8439e

Dans notre culture, le sort des travailleurs seniors est manifestement négligé

Aussi mauvais que soient les chiffres de l’emploi suite à la pandémie (au cours des 6 derniers mois, plus de 60 millions d’Américains ont perdu leur emploi et le nombre d’allocataires des indemnités chômage explose ces dernières semaines), il y a pire encore. Un sale petit secret dont personne ne veut parler. Selon une étude de l’université de Chicago, « la pandémie a fait des ravages chez les travailleurs les plus âgés, en particulier les 50 ans et plus ».

De nombreux travailleurs seniors se sont retrouvés sans emploi. Les 40 ans et plus que j’ai l’occasion d’interviewer régulièrement me disent tous qu’il devient presque impossible de retrouver un job à niveau de responsabilité et de rémunération égal. De guerre lasse, beaucoup se rendent compte, au fil des mois, que la recherche d’un nouvel emploi est illusoire et jettent l’éponge tandis qu’un nombre grandissant de plus de 45 ans est contraint d’accepter des emplois sous qualifiés pour payer les factures et conserver une couverture d’assurance maladie.

Peu de reconnaissance accordé à l’âge et à l’expérience

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les travailleurs de 40 ans et plus rencontrent de grandes difficultés sur le marché du travail. Ils sont victimes du « jeunisme ambiant », de l’érosion de l’encadrement intermédiaire, de la délocalisation et, surtout, d’a priori inconscients dans le processus d’embauche.

Les seniors doivent affronter de nombreux préjugés

Il suffit de consulter les sites de carrière des grandes entreprises pour s’en rendre compte. On n’y voit que des visages frais, brillants et souriants de jeunes de 23-33 ans. Lorsque vous rendez visite aux entreprises de la Tech, aux start-ups et aux entreprises « cool », les employés sont systématiquement jeunes, ils portent des bonnets, des jeans, des T-shirts et des sweats à capuche. De temps en temps, il peut y avoir une personne aux cheveux gris qui fasse exception mais le message est clair. « Voici le type de personne qui travaille ici. Si vous voulez nous rejoindre, vous devez leur ressemblez. »

Suite à l’épidémie, les entreprises sont actuellement en recherche d’économies et un bon moyen d’économiser est de se débarrasser des cadres « non dirigeants » expérimentés. Les processus sont redéfinis pour remplacer les 40 ans et plus par des emplois qui ne nécessitent que trois à cinq ans d’expérience. A cet égard, le nombre actuel de postes à pourvoir qui ne demandent que des candidats ayant 3 à 7 ans d’expérience et dont les intitulés sont assistant ou analyste est significatif.

Pour économiser, les entreprises délocalisent les emplois en dehors des USA ou dans des états où les coûts sont inférieurs. Les travailleurs plus âgés (et plus chers) ne sont pas invités à déménager, car ils ont trop d’expérience et leurs attentes salariales sont trop élevées. Les entreprises estiment que les jeunes sont plus dociles, trop heureux d’avoir un emploi pour rembourser les emprunts contractés au cours de leurs études supérieures.

Si vous êtes dans la tranche d’âge 45 ans et plus et que vous allez sur le marché du travail, vous allez rapidement constater qu’il n’y a pas beaucoup de jobs pour vous. Soit les emplois disponibles se trouvent dans d’autres états ou d’autres pays, soit ils ne correspondent qu’à des profils peu expérimentés. Devant cette situation, les travailleurs seniors se disent qu’ils sont prêts à accepter une moindre rémunération et une moindre qualification mais, au lieu de faire preuve d’ouverture d’esprit, les responsables RH ne les recrutent pas par peur de les voir s’enfuir à la première opportunité plus favorable.

Vous devrez également lutter contre un préjugé inconscient – ou pas – selon lequelle les travailleurs expérimentés veulent immédiatement prendre les choses en main, avoir réponse à tout, car ils travaillent dans le domaine depuis plus de 30 ans, et donner des ordres aux plus jeunes. En fait, le constat est que la plupart des gens préfèrent travailler avec des personnes qui leur ressemblent. Les jeunes cadres ne sont pas à l’aise avec les cadres plus âgés, car ils ont l’impression qu’ils ne parlent pas la même langue, qu’ils ne s’habillent pas de la même façon et qu’ils ne sont pas sensibles aux mêmes valeurs. Ils estiment aussi que les seniors ne sont pas au courant des tendances actuelles.

Les statistiques US du chômage faussées par le retrait des seniors du marché du travail

Après avoir cherché en vain un emploi, n’ayant obtenu aucune attention, il est compréhensible que les travailleurs âgés baissent les bras et prennent précocement leur retraite. Dans son étude, l’université de Chicago affirme que les chiffres du chômage seraient sensiblement plus élevés s’ils prenaient en compte les travailleurs expérimentés qui, faute d’opportunité, ont déserté le marché du travail. Une fois qu’ils ont épuisé leurs droits au chômage, ils disparaissent des statistiques gouvernementales. Ce petit tour de passe-passe permettant d’améliorer les chiffres de l’emploi, en ignorant une partie de la réalité.

Teresa Ghilarducci, économiste du travail et experte des régimes de retraite, exprime, elle aussi, cette réalité dans une interview accordée à MarketWatch : « Les seniors perdent leur emploi à un rythme plus rapide que les jeunes. Au total, ce sont 4 millions de personnes qui sont potentiellement poussées vers une retraite non souhaitée. La moitié des Américains âgés de 55 ans et plus prendront leur retraite dans la pauvreté ou la quasi-pauvreté. »

Si les travailleurs âgés qui ont été écartés du marché du travail étaient pris en compte dans les statistiques du chômage, nous aurions un taux extrêmement élevé. Il est clair que nos dirigeants ne veulent pas que ce chiffre soit publié, alors ils font commodément semblant qu’il n’existe pas.

 

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