Et si on créait un lobby des seniors pour la France
Syntec Conseil-Recrutement - 11/12/2021
A l’image de l’AARP (anciennement « American Association of Retired Persons ») qui œuvre pour promouvoir les seniors aux USA, il paraît pertinent de créer un lobby à la française pour défendre les intérêts des seniors dans notre pays.
A l’image de l’AARP (anciennement « American Association of Retired Persons ») qui œuvre pour promouvoir les seniors aux USA, il paraît pertinent de créer un lobby à la française pour défendre les intérêts des seniors dans notre pays. En effet, force est de constater que les seniors sont discriminés du fait de stéréotypes qui, quoi qu’on en dise, ont la vie dure. Selon eux, les seniors, notamment les cadres seniors, seraient trop chers, souffriraient d’un déficit cognitif, manqueraient de capacités d’adaptation, seraient impropres au changement et inaptes aux nouvelles technologies. Ces stéréotypes ne sont pas propres à la France. On les retrouve, pratiquement inchangés dans différents pays mais c’est en France où la situation des seniors est particulièrement critique, avec un taux d’emploi de l’ordre de 30% au moment du départ en retraite, qu’ils mettent en danger l’ensemble de l’économie par la pression qu’ils font peser sur les autres générations.
Que fait l’AARP ?
L’AARP a été fondée en 1958. Elle a son siège dans la capitale fédérale américaine pour être proche du pouvoir central. C’est un des lobbys les plus puissants des USA. C’est une organisation sans affiliation politique qui s’adresse aux personnes de plus de 50 ans. Elle compte environ 40 millions de membres. Son objet est l’amélioration de la qualité de vie de ses adhérents à qui elle propose une large gamme de services. Ses activités tournent principalement autour de l’assurance maladie, du prix des médicaments et de l’aide aux personnes âgées. Elle édite également un magazine bimensuel qui est un des plus gros tirages des États-Unis.
L’AARP bénéficie d’une puissance financière inconnue en France pour une organisation de ce type avec des recettes de plus de 1,6 Mrd $ dans lesquelles les cotisations ne représentent que 20%, le reste étant principalement apporté par la publicité et les redevances payées par les fournisseurs de produits et de services aux adhérents. Cette manne financière permet à l’association d’entretenir une importante activité de lobbying à différents niveaux (fédéral, étatique et local). Elle dépense beaucoup en publicité politique et en campagnes pour soutenir les lois qu’elle défend.
L’AARP a défini une charte pour les entreprises qui souhaitent être labellisées. Celle-ci établit que ces entreprises s’engagent à traiter sur un pied d’égalité les plus de 50 ans et à les recruter en fonction des mêmes critères que les autres candidats. 1869 entreprises ont déjà adhéré à cette charte qui doivent, notamment, apporter la preuve qu’elles n’ont pas été poursuivies pour discrimination par l’âge dans les cinq dernières années.
L’AARP produit des émissions de radio et de télévision et a une activité d’édition de livres. Par exemple, Prime Time Radio est un programme d’interview hebdomadaire d’une heure qui se concentre sur les intérêts et les préoccupations des Américains âgés de plus de 50 ans.
Parmi ses engagements les plus notables, l’AARP a soutenu l’Obamacare en 2009-2010 et a activement contribué au vote de la loi par le Congrès. En 2009, l’AARP a, notamment, engagé une campagne publicitaire nationale en faveur de l’Obamacare, afin de s’assurer que « chaque membre du Congrès sache que la communauté des plus de 50 ans veut que des mesures soient prises pour réparer ce qui ne va pas dans le domaine des soins de santé ».
Sur le plan de la lutte contre les stéréotypes, l’AARP est présente dans les media grâce aux publications et aux recherches qu’elle soutient. Ainsi, en 2021, le magazine AARP International a publié une étude du professeur Andrew Scott, intitulé « A point of View on longevity », qui argumente que l’allongement de la vie professionnelle étant inévitable, il convient de « trouver des méthodes pour élaborer une offre de travail plus flexible afin de capitaliser sur les atouts des seniors », de travailler différemment et de créer des emplois compatibles avec « la santé, le bien-être mental, les compétences et le relationnel des individus ». Dans le même registre, Jo Ann Jenkins, présidente de l’AARP, a récemment publié un livre intitulé « Disrupt Aging » qui, selon Joseph F. Coughlin, directeur de l’Age Lab du MIT, apporte « un nouveau regard sur le vieillissement et contribue au changement dans les attitudes et les comportements ».
L’exemple dont pourrait s’inspirer les seniors en France
L’exemple de l’AARP trace la voie de ce que pourrait être un lobbying des seniors à la française. Sans reproduire exactement le modèle américain, il donne les clés dont pourrait s’inspirer une association qui s’emparerait du thème de la défense des seniors afin de peser sur le débat public :
- Rassembler l’ensemble d’une classe d’âge (les plus de 50 ans) dans une même organisation,
- Proposer des services concrets qui constituent pour les adhérents un retour sur investissement direct de la cotisation de façon à obtenir une large adhésion,
- Prétendre à la neutralité sur le plan politique et religieux afin d’être le plus fédérateur possible,
- Dégager des recettes financières basées sur la masse des adhérents,
- Être incarnée par une personnalité non marquée politiquement,
- Entretenir un niveau d’activité important dans tous les domaines concernant les seniors, notamment la prise en charge des frais de santé, la lutte contre l’exclusion et le chômage,
- Afficher des prises de position tranchées, clivantes si nécessaire, lorsque les intérêts des seniors sont en jeu,
- Intervenir dans les media, exiger un droit de réponse, dès que les stéréotypes et « l’agisme » se manifestent,
- Financer des programmes de recherche et des publications afin de contrer les stéréotypes et de promouvoir les intérêts des seniors,
- Élaborer une charte des entreprises qui accueillent et recrutent des seniors et labellisent les entreprises « senior friendly »,
- Etc…
Les travailleurs seniors dans l’élection présidentielle
L’enjeu est considérable et l’on peut regretter que parmi les programmes des candidats à l’élection présidentiel de 2022 pas une ligne ne lui soit accordé. En effet, si seulement un tiers des seniors est encore en emploi au moment du départ en retraite ceci revient, de fait, à se priver de la contribution de 70% des acteurs économique. Cette situation est directement dommageable sur le plan financier et psychologique pour ceux qui se trouvent ainsi mis sur la touche. Par ailleurs, des études récentes démontrent sans équivoque que loin de « laisser la place aux jeunes », l’exclusion des seniors ne crée pas de travail mais contribue, au contraire, à diminuer le nombre total d’emplois.
Cette idée d’un lobby senior n’est pas utopiste puisqu’un tel lobby existe déjà aux États-Unis et fonctionne. C’est donc notre vœu pour l’année 2022.