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Le salaire des seniors est-il réellement un frein au retour à l’emploi ?

Syntec Conseil-Recrutement - 17/02/2021

Les salaires augmentent avec l’âge

C’est un fait avéré, les salaires augmentent avec l’âge. Certains paramètres les faisant plus ou moins fluctuer : âge, sexe, niveau de formation. L’étude menée par France Stratégie, en 2018, montre que l’âge a un effet positif sur le salaire. Ainsi, au cours de sa carrière, un salarié peut voir en moyenne son salaire augmenter de 70 %. Par rapport au salaire moyen net, il est à un niveau de 70 % à 25 ans, 100 % à 30 ans et 120 % à 60 ans. On observe ce phénomène dans presque tous les pays de l’OCDE même s’il est plus marqué en France. « Intériorisé par les acteurs, il influe sur les aspirations salariales des seniors ». Par comparaison, aux États-Unis, le salaire moyen des seniors est de 12 % plus élevé que celui des jeunes.

De plus, si les salaires augmentent avec l’âge et au fil des générations, il existe de fortes variations selon le sexe et le niveau d’éducation. En effet, les salaires des hommes augmentent beaucoup plus que ceux des femmes. En fin de carrière, une femme gagne en moyenne 110 % du salaire moyen, contre 130 % pour un homme.

Enfin, d’une génération à l’autre, l’élévation du niveau d’éducation a entraîné un certain déclassement du diplôme sur le marché du travail. Aussi, relativement au salaire moyen, chaque nouvelle génération de diplômés apparaît moins bien lotie que la précédente et mieux lotie que la suivante.

Selon Sarah Le Duigou, économiste, il existe trois raisons qui expliquent cette augmentation des salaires avec l’âge. La première, la mobilité « d’emploi à emploi » qui permet de passer d’un emploi moins bien payé à un emploi mieux payé. La seconde, « l’évolution du rapport de force ». En effet, les travailleurs, du fait de l’accroissement de leur niveau d’expérience, gagnent en pouvoir de marché sur les entreprises qui sont contraintes d’offrir des salaires supérieurs pour les attirer. Enfin, troisième raison, les travailleurs continuent à apprendre au cours de leur vie active et leur productivité tend donc à s’accroître. C’est ce que Sarah Le Duigou appelle le « canal de l’accumulation de capital humain général ».

Mais cette hausse des salaires, tout au long de la vie professionnelle, devient-elle un frein en troisième partie de carrière ?

La théorie

La théorie économique explique les problèmes d’appariement de l’offre et de la demande par les rigidités empêchant les prix de s’adapter. Sur le marché du travail, le prix, c’est-à-dire le salaire, est évalué par les demandeurs (les entreprises) au regard du gain attendu, c’est-à-dire de la productivité des travailleurs. Dans cette vision, les difficultés à trouver un emploi s’expliquerait alors par une productivité insuffisante au regard des coûts salariaux.

Pour Patrick Aubert de l’INSEE, ce ne serait pas un obstacle majeur : « Les seniors – salariés de 50 ans ou plus – perçoivent des salaires de 20 à 30 % plus élevés en moyenne que les salariés de 30 à 39 ans. Leur employabilité́ n’en est pas pour autant altérée : dans les établissements où l’écart relatif de salaire est le plus élevé́, les seniors sont plus nombreux et ne sortent pas plus souvent de l’emploi. Ainsi, il convient de relativiser l’idée que les salaires des seniors seraient l’obstacle majeur à leur emploi : ces salaires plus élevés reflètent, en partie, une productivité́ plus grande. »

Les études

France Stratégie

De leur côté, les auteurs de l’étude de France Stratégie considèrent que « la question des salaires perçus par les seniors est aussi complexe que chargée d’enjeux de politiques publiques».

En effet, France Stratégie relève un biais possible sur la fin de carrière : la baisse du taux d’emploi des seniors après 50 ans peut cacher un effet de sélection, le maintien dans l’emploi en fonction du niveau de productivité. Ainsi, les personnes qui restent en emploi après 50 ans sont souvent celles qui ont le plus d’atouts à faire valoir sur le marché du travail.

Si le marché du travail devait intégrer, sans effort de formation ou de requalification supplémentaire, l’ensemble des seniors actuellement hors de l’emploi (4,7 Millions de seniors de plus de 50 ans sans emploi), le niveau de salaire moyen des moins diplômés diminuerait très probablement dès 54 ans, là où celui des plus diplômés continuerait d’augmenter jusqu’à 62 ans, estiment les auteurs de l’étude.

Dans une autre étude, France Stratégie a analysé les freins à l’emploi des seniors en distinguant des facteurs propres au marché du travail et des facteurs périphériques. Les difficultés des seniors à retrouver un emploi pourrait en partie s’expliquer par des attentes salariales en décalage avec ce que les employeurs sont disposés à donner.

L’étude des économistes Patrick Aubert et Bruno Crépon

Les économistes Patrick Aubert et Bruno Crépon ont cherché à évaluer la relation entre l’âge, l’efficacité́ du travail et les salaires, en adoptant une approche sur la période de 1994-2000 en France. Leur étude conclut que la productivité́ croît avec l’âge jusqu’à 40 ans, pour ensuite se stabiliser, et décroître légèrement à l’approche de l’âge de départ en retraite. Mais sachant que les salariés en pré-retraite restent comptabilisés parmi les effectifs, cela tend à diminuer la productivité des plus de 55 ans ; puisqu’on compte comme salariés des individus qui ont en réalité quitté l’entreprise et ne travaillent plus. L’analyse empirique de P. Aubert et B. Crépon sur un échantillon d’entreprises ne permet donc pas de mettre en évidence un réel impact de l’âge sur la productivité.

L’étude de l’économiste Pierre Cahuc

Pour l’économiste Pierre Cahuc, cette légère baisse à l’approche de la retraite s’explique parfaitement, « le tassement de la productivité́ en fin de vie active est tout à fait naturel dans un contexte où le capital humain se déprécie et où il faut investir en formation pour l’entretenir et l’améliorer. L’amélioration et le maintien de la productivité́ nécessitent un investissement qui doit pouvoir être valorisé sur une période suffisamment longue pour être rentable ». Investissements qui sont quasi inexistants en France et surtout à partir de 45 ans où les seniors ont peu ou pas accès à des formations et des remises à niveau.

Il n’existe donc aucune observation empirique qui permette de conclure à une baisse significative de la productivité individuelle avec l’âge. Tout ne serait donc que subjectivité et idées reçues en matière de baisse de dynamisme et donc de rendement des seniors.

Le salaire ne serait pas un frein au recrutement des seniors

Le salaire en lui-même ne serait donc pas un frein au recrutement des seniors, mais c’est plutôt la perception de l’efficacité que l’on s’en fait. Une fois encore, le poids des représentations négatives des seniors par les recruteurs et les dirigeants affecte lourdement leur possible retour à l’emploi.

Mais même si les études présentées ci-avant tendent à démontrer que le salaire n’est pas un réel frein au retour à l’emploi des seniors, la France devra peut-être, tout de même, changer de paradigme sur la question. Force est de constater que tous les pays qui ont réussi leur réforme des retraites et ont augmenté significativement le nombre de seniors en poste jusqu’à leur retraite (Finlande, Danemark, Suède) sont tous partis d’une même base de départ avec une faible hausse des salaires liée à l’ancienneté.

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