L’ordonnance du 22 septembre 2017 a institué le principe de la « rupture conventionnelle collective » (RCC). Celle-ci s’inspirait des dispositifs existants dans le cadre des plans de départs volontaires et de la rupture conventionnelle individuelle.
En résumé, ce dispositif permet de prévoir, par accords collectifs après validation de l’administration, des suppressions d’emploi sans avoir à procéder à des licenciements ni même à justifier d’un motif économique.
Les avantages pour l’entreprise de cette approche en matière de gestion des transformations RH peuvent être résumés en 6 points :
- Meilleure sécurisation juridique des départs
- Pas de besoin de motivation économique
- Simplicité de la procédure
- Absence de nécessité de prévoir l’intégralité des mesures d’un PSE, absence d’obligation de revitalisation pour le territoire
- Réduction des conflits grâce à un dialogue social constructif
- Outil de soutien à une gestion dynamique de la GPEC
Ne concernant que les départs volontaires, ce dispositif a cependant ses particularités :
- Il n’est donc pas adapté à une fermeture totale de site par exemple.
- il amène à réfléchir à la gestion de la remotivation des personnels restant et à ceux à qui l’entreprise a refusé le départ.
- Il nécessite la signature d’un accord majoritaire avec les organisations syndicales, alors que la RCC est moins avantageuse ou protectrice pour les salariés concernés. Inutile également d’espérer une réduction significative des coûts – le budget d’une RCC reste élevé et, dans bien des cas, similaire à celui d’un PSE. (Essentiellement du fait du coût identique dans les deux cas des indemnités conventionnelles et complémentaires – les mesures d’accompagnement et de reclassement représentant en général 10% du budget d’un PSE) ;
Au niveau de Syntec Conseil, nos expériences après plus d’un an d’observation sur cette nouvelle pratique RH pointent plusieurs points de vigilance et autant d’opportunités :
Les DIRECCTE sont très attentives à la qualité, l’argumentaire et la documentation du projet de départ volontaire du salarié. A titre d’exemple, un regard particulier est ainsi porté sur les collaborateurs dès lors qu’il y a un risque d’inscription au Pôle Emploi, particulièrement pour les seniors.
- La mise en place de congé de mobilité est un incontournable pour sécuriser les projets de départs non finalisés (Absence de promesse d’embauche, création d’entreprise différée, formation sans débouché immédiat) et ainsi éviter l’inscription directe au Pôle Emploi
- Une structure d’accompagnement des projets en amont (type Espace Information Conseil) et en aval (type antenne emploi/outplacement) est absolument nécessaire pour sécuriser les départs et éviter les risques d’absence de validation à court terme ou prudhommaux à plus long terme : solidité des dispositifs d’accompagnement, traçabilité des actions, expertise des intervenants, business plan…sont des éléments indispensables pour limiter les risques,
- En complément des accords GPEC ou de compétitivité, la RCC apparaît comme un outil supplémentaire qui ouvre des possibilités de mobilités externes sécurisées encadrées juridiquement et en totale transparence avec les IRP et les DIRECCTE.
- Les salariés eux-mêmes peuvent avoir une appétence particulière pour ce type de dispositif si les mesures de départs sont incitatives – toute la question est donc de mettre au point un ensemble de critères cohérents et équitables (par exemple, comment gérer les frustrations de ceux qui restent …), notamment pour la définition des « postes ouverts aux départs ». Cet équilibre sera d’autant plus facile à élaborer que l’entreprise aura anticipé sur les compétences attendues et l’évolution des métiers.
- Enfin, la RCC nécessite une clarté de discours, des règles du jeu partagées et comprises, une approche sociale rigoureuse sans compromis et éthiquement irréprochable et sans pression d’aucune sorte : cela suppose une équipe de Direction et des managers de proximité formés à ce type de situation et partageant des objectifs sur les enjeux de l’entreprise et les moyens d’y parvenir.
En conclusion, la RCC semble être un outil intéressant pour les DRH qui devrait, selon nos observations, se développer à partir du moment où l’on considère qu’un salarié, acteur de son évolution professionnelle, devrait pouvoir gérer son plan de carrière avec de nouveau moyens et avec une meilleure sécurité financière en considérant que l’emploi à vie n’existe plus et qu’il convient de sécuriser son employabilité …
Enfin comme pour les ruptures conventionnelles individuelles , il conviendra de faire un bilan et d’en mesurer le coût pour la collectivité (et notamment l’entrée et la durée d’inscription au Pôle Emploi)
Rupture Conventionnelle Collective : quelques chiffres clés 2018 (source DGEFP)
85 projets engagés depuis la création de la rupture conventionnelle collective :
• 60 projets validés (70,5%)
• 9 abandons faute de volonté pour conclure un accord (10,5%)
• 1 projet suspendu (1%)
• 2 projets refusés (2%)
• 13 projets en cours (15%)
En corollaire, baisse de 28,7 % des plans de sauvegardes de l’emploi sur un an (comparaison entre Q1/Q2 2017 et Q1/Q2 2018). A noter aussi, une augmentation significative des ruptures conventionnelles individuelles avec 437 700 RCI homologuées en 2018, soit une augmentation de 3,9 % par rapport à 2017 (Source Dares)
Parmi les mesures les plus mises en œuvre dans le cadre des RCC :
Mobilité interne :
• Mise en place d’un Espace Info Conseil
• CEP
• Budget formation
• Bilan de carrière, diagnostic d’employabilité
• Aide à la mobilité géographique – aide au reclassement du conjoint
Mobilité externe :
• Antenne Emploi ou Outplacement
• Indemnités et prime incitative au départ
• Aide à la mobilité géographique
• Congé de mobilité (9 à 12 mois)
• Budget formation
• Aides à la création d’entreprise
• ICL
• Commission de suivi